Nous poursuivons avec nos épisodes bonus du mois de mai. Ces épisodes sont les interviews complètes en version originale de notre mini-série sur les systèmes alimentaires durables.
Description
Aujourd'hui, notre deuxième épisode présente Alles Gut! Gemüse Kebab, le premier kebab durable de Genève, avec ses cofondateurs Romain Oeggerli et Yohann Pellaux. À la tête de leur restaurant éco-responsable et socialement engagé, Romain et Yohann ont pour ambition de révolutionner la gastronomie fast-food. Dans cette discussion, ils parlent de leur parcours entrepreneurial, ils partagent leurs définitions d'une alimentation durable ainsi que leurs conseils pour que chacune et chacun d'entre nous puisse y contribuer au quotidien, et bien plus encore.
Vous trouverez des informations complémentaires sur le site web de Gemüse Kebab. Vous pouvez également suivre leurs activités sur Instagram et Facebook.
Tous les épisodes de notre série sur les systèmes alimentaires durables sont disponibles ici.
Transcription
Claire 00:26
Bonjour et bienvenue dans le podcast Narratives of Purpose. Vous écoutez notre premier épisode en langue française, un épisode spécial que nous proposons en bonus, avec une interview complète tirée de notre mini-série sur les systèmes alimentaires durables que nous avons sortie en février et mars de cette année. Dans cette série, j'ai interviewé des restaurateurs et entrepreneurs basés en Suisse, aux états-unis et en Angleterre qui sont des pionniers dans le mouvement de l'alimentation durable. Si vous écoutez notre podcast pour la première fois, je me présente. Mon nom est Claire Murigande. J’ai créé ce podcast pour partager des histoires uniques, des histoires d’individus qui contribuent à changer la société de manière positive. Alors, si vous êtes à la recherche d’inspiration pour devenir vous-mêmes engagés, vous êtes bien au bon endroit. Venons-en maintenant à mes invités du jour : Romain Oeggerli & Yohann Pellaux. Romain et Yohann sont les deux cofondateurs de Alles Gut! Gemüse Kebab, le premier restaurant fast food de Kebab durable, éco-responsable, et socialement engagé à Genève. Je ne vous en dévoile pas beaucoup plus ici, je vais plutôt vous laisser tout de suite plonger dans ma discussion passionnante avec Romain et Yohann qui m’ont parlé de leur parcours entrepreneurial. N'oubliez pas de noter notre podcast en lui attribuant 5 étoiles sur Spotify ou même d'écrire un commentaire sur Apple podcast. Merci de votre soutien.
Claire 02:02
Aujourd'hui, je suis à Genève et je reçois Romain Oeggerli et Yoann Pellaux.
Romain, Yohann 02:10
Bonjour.
Claire 02:11
Vous êtes donc les deux cofondateurs de Alles Gut ! Gemüse Kebab, et ma première question qui me vient à l'esprit est : pourquoi un nom d’une entreprise allemande par deux Genevois ? Mais avant qu'on entre dans le vif du sujet. Je vais vous demander de vous présenter chacun à nos auditeurs, donc qui est Romain et qui est Yohann ? On commence par qui ?
Yohann 02:28
Par Romain.
Romain 02:30
Je suis Romain du coup, 30 ans, cofondateur de Gemüse Kebab comme tu l'as bien dit. J'ai fait mes études ici à la Haute école de gestion à Genève après quoi, j'ai bossé un peu dans la finance. Parallèlement, je travaillais dans la culture. Je voulais un peu me professionnaliser là-dedans. J'ai vite compris que c'était un peu galère la culture d'en vivre. Enfin, faut vraiment être passionné et puis trimer beaucoup, j'avais la passion mais bref. Voilà, je me suis bifurqué sur une autre de mes passions la restauration, donc j'ai quitté la finance pour ouvrir Alles Gut ! Gemüse Kebab avec Yohann.
Claire 03:06
Et toi Yohann ?
Yohann 03:08
Alors, moi c'est Yohann. J'ai 29 ans, je viens d'un petit village à Genève. J’ai aussi fait toutes mes études à Genève, j'ai rencontré romain à l'école de commerce et ensuite, on a fait l’HEG ensemble. J'ai travaillé dans la finance, dans les banques et puis ensuite dans le négoce et en fait, je n’étais pas épanoui. Du coup, j'ai décidé de quitter pour lancer Alles Gut ! Gemüse Kebab du coup en 2019.
Claire 03:39
Donc ça ne fait pas très longtemps, 2019 on est en 2022 : 3 ans que vous avez commencé. Avant de me parler exactement de comment a commencé l'aventure Gemüse Kebab, donc j'aimerais savoir quelle est votre définition à chacun ou comment vous concevez la durabilité alimentaire.
Yohann 03:55
Alors il y a trois axes, selon moi, et c'est important ils vont ensemble. Il y a l'environnement, le social, et aussi le côté économique, économie locale. Pour tout ce qui environnemental, je pense qu’il à plusieurs choses à prendre en compte, il y a la supply chain mais il y aussi les opérations dans le cadre par exemple d'un restaurant l’opérationnel, donc les déchets qu'on produit en faisant notre kebab par exemple dans notre cas. Et puis je pense que c'est important de toujours prendre l'environnement avec le social ça va de pair. Donc il y aussi tout le côté social. Donc la création d'emplois, un emploi qui est avec des conditions cadre intéressantes pour les collaborateurs, aussi tout ce qui va avec le l'insertion professionnelle donner la chance à des personnes qui peuvent avoir plus de peine à trouver un emploi à Genève ou en Suisse. Et après il y a l'économie. Je pense que c'est important de favoriser aussi l'économie locale de faire rayonner l'économie locale, ça peut se faire bien évidemment aussi par la supply chain, les collaborations aussi avec tous les acteurs qui existent en fait localement et il y en a souvent beaucoup plus que ce qu'on imagine.
Claire 05:18
Et toi romain, quelle est ta définition ?
Romain 05:20
Alors, plus sur un aspect global c’est d'avoir un impact négatif minimisé et tendre vers l'impact neutre, c'est-à-dire que les activités du restaurant ne péjorent pas à nouveau les trois axes donc que ce soit l'environnement, très important le social, ou l'économique. Et par exemple le social, ce serait simplement garder des employés sur une durée donc avoir des valeurs par rapport à l'épanouissement personnel, par rapport à l'échange, et changer un peu le modèle qu'on peut voir avec une hiérarchie et des objectifs qui sont purement ou trop économiques au détriment du social. Donc trouver un équilibre un peu là-dedans. Économique donc, avoir simplement une viabilité sur le sur le long terme éviter la banqueroute et puis la faillite. Et environnement donc, de préserver notre écosystème, d’agir en faveur du réchauffement climatique donc impact CO2 neutre.
Claire 06:29
Maintenant, Alles Gut ! Gemüse Kebab qu'est-ce que c'est exactement ? Mais surtout comment est-ce que ça a commencé ? Racontez-nous l'histoire des débuts.
Yohann 06:27
Alors, Alles Gut ! Gemüse Kebab qu'est-ce que c'est ? c'est un kebab un gemüse kebab. La recette est un petit peu différente, ça vient de Berlin donc il y des légumes dedans. On met aussi un peu de feta de la menthe, c’est vraiment une recette singulière.
Claire 06:52
Donc viande et légumes, ce n’est pas que des légumes.
Yohann 06:54
On a de la viande, on a du poulet mais on essaie de favoriser le végétarien et le végan.
Claire 06:59
D'accord.
Yohann 07:00
Et l'idée c'est ensuite de faire la transition pour avoir uniquement du végétarien, du végan. Mais pour le moment on a du poulet et du coup c'est une recette différentes, et on a essayé d'adapter ce projet-là aussi à nos valeurs et justement à l'économie locale. Comment ça a été créé ? Alors en fait, on s’est rencontrés à l'école de commerce. On est vite devenu amis, on a essayé de lancer différents projets, on était attirés par l'entrepreneuriat assez tôt et ensuite Romain, il est parti à Berlin. Je te laisse continuer.
Romain 07:35
J’ai eu la chance de faire un ERASMUS à de Berlin, ce côté lié culturel venait aussi de Berlin. Et donc j'ai découvert Alles Gut ! Gemüse Kebab, Mustapha Gemüse Kebab, qui a ouvert en 2006 et simplement j’étais encore étudiant à l’époque et j'adorais le street food, kebab, tout ça. Et c'était une recette de kebab revisitée un peu plus frais avec des légumes, de la feta, des concombres, d’autres types de crudités que le classique salade tomate oignon qu'on connaît et qu'on mange ici, qu’on mange toujours. Et du coup en revenant ici à Genève, je me suis dit mais pourquoi pas ? J’en ai longtemps parlé pendant 4 ans avec Johann, le temps que l’idée mûrisse et on s’est dit bah pourquoi pas ? Parce qu'en fait Berlin Genève les cultures sont assez similaires au reste en Europe, ensuite cet aspect légumes, ce sont des légumes locaux donc on a tout ça ici donc ouais pourquoi pas simplement, ça plairait ici pourquoi pas ?
Claire 08:35
Si je comprends bien, vous avez repris une recette qui existait ou bien vous avez adapter une recette et vous l'avez remise à votre sauce, en gros ?
Yohann 08:44
C'est une bonne question. On a repris à la base une recette mais on l'a un peu adaptée parce qu'en fait il y a des produits qu'on trouve facilement ici d'autres moins. Le but, c'est d'avoir des produits locaux, de saison et du coup on a dû un peu adapter la recette. Par exemple, en hiver, on remplace les concombres et les tomates par de la betterave et de la carotte râpée. Donc la recette existait, on l'a un peu adaptée à notre sauce. Et puis en fait, on a dû essayer de reprendre la recette par nous-même, essayer de retrouver, se rapprocher on va dire de la recette le plus proche possible et du coup en fait au fur à mesure, la recette a évolué. Par exemple, au niveau des sauces, on fait nos propres sauces maison, elles sont différentes de celles qu’il y a à Berlin, mais après la recette s'est faite aussi avec les acteurs locaux qu'on avait. Typiquement au niveau du pain, des galettes, mais aussi du poulet. Le poulet est fait maison donc la broche est faite maison, la marinade est faite maison également, ce qui n’est pas le cas à Berlin. Pour rebondir sur ce qu’il a dit Romain, c'est qu’à la base on voulait lancer ce projet-là, donc lancer Gemüse Kebab, mais c’était plus le côté entrepreneurial qui nous excitait on va dire. Et après, on l’a en fait adapté justement à nos valeurs et puis on a rajouté toutes ces valeurs de durabilité et c’est ça aussi qui a un peu changé la recette. On a dû l'adapter pour justement avoir des produits locaux, avoir du poulet élevé en plein air local, et puis faire tout maison aussi.
Claire 10:25
Et donc tu parlais de saisonnalité, régionalité, jusqu'à quelle distance vous allez pour avoir les produits que vous utilisez ?
Yohann 10:33
Si on regarde tous nos produits, c'est très proche. C'était vraiment Genève.
Claire 10:38
Donc tous vos produits, que ce soit légumes, le poulet, la farine, le pain tout est produit dans le canton de Genève ?
Romain 10:45
Non. Tout ce qui est poulet c’est dans le gros de Vaud, et on a encore les citrons on galère un peu là-dessus parce que ça on trouve que c’est un aspect important de la recette. Et la feta on est en train de chercher de la feta Suisse. Mais au début on avait quand même peur de trop dénaturer la recette qui était déjà très populaire et qui marchait étant donné qu'on ne venait pas de la restauration, et du coup, là on est à peu près à 95% GRTA.
Yohann 11:10
Il y a aussi tout ce qui est alternative à la viande, parce que comme on le disait avant le but c’est de tendre complètement végétarien et végan, et en fait pour trouver les alternatives à la viande locales c'est compliqué. Donc là on a du Planted qui est Suisse mais qui ne vient pas de Genève, on a encore du halloumi qui ne vient pas d'ici et en fait l'idée ce serait aussi de pouvoir trouver des alternatives à la viande. Mais je suis persuadé qu'il y aura plein de projets qui vont être créés dans le futur, peut-être certains ont déjà été créés et puis on n'est pas encore au courant.
Claire 11:43
Parce que la question aussi que je me suis posée, effectivement les valeurs de durabilité, régionalité, etc. pourquoi en fait un kebab ? Pourquoi du fast-food et pas une alimentation un peu plus saine ? Vous vous êtes déjà posé cette question ?
Romain 11:55
Oui. Déjà fast-food dans le conscient collectif c'est junk-food, malsain. Aujourd'hui la restauration rapide, il y a plein de choses qui sont saines aussi. Je pense notamment au poké bowl végétarien, des choses comme ça. Et donc nous on arrive quand-même à être équilibré, et on va faire appel à un service de nutritionniste pour évaluer aussi notre produit parce que c’est une réflexion qu'on a. On pense qu'il y a un petit peu trop gras encore pour avoir quelque chose de complètement équilibré, mais en termes des éléments des ingrédients qu’on a dedans, ça constitue parfaitement un équilibre nutritionnel. Donc oui, c’est des réflexions qu’on a.
Yohann 12:39
Et puis le fast-food c’est aussi intéressant parce que c'est une industrie qui est très compétitive où je pense qu’il y a encore énormément à faire en termes de durabilité. On a forcément ces exemples de McDonald's, de KFC, de toutes ces grandes chaînes qui font très. Et nous c’était aussi l’aspect intéressant, on se disait « on va prendre le fast-food et on va essayer de le révolutionner et de le changer en quelque chose de plus durable ».
Claire 13:04
Je comprends l’approche alors. C'est prendre le fast-food et le révolutionner pour l'emmener vers une direction non seulement durable mais aussi plus saine, c’est ça ?
Romain, Yohann 13:12
Exactement.
Claire 13:13
Quel a été pour vous un des plus gros défis dans tout ce projet que vous avez eu qu'à maintenant ? J’imagine qu’il y en a eu beaucoup, parce qu'on en tant qu’entrepreneurs ce n'est pas évident, mais qu'est-ce qui a été pour vous l'aspect le plus compliqué que vous avez dû gérer et peut-être même que vous n’avez pas réussi à résoudre jusqu’à maintenant, mais est-ce que vous pouvez en parler un peu ?
Romain 13:32
Il y a tellement de choses, je vais parler de la première qui me vient à l'esprit, je ne sais pas si ce n’est peut-être pas la plus grande mais c'est qu'on s'est mis dans quelque chose qui est tellement populaire : le kebab, il y a ses aspects positifs et ses aspects négatifs. Étant donné qu'on avait ses valeurs-là qu'on voulait faire du fait-maison du local, on devait automatiquement être plus cher. Dans l'esprit des gens un kebab c'est 10 francs, c'était maintenant il y a eu l’inflation même les kebabs ont augmenté un petit peu. Et du coup, c'était compliqué, il y avait vraiment et il y a toujours un effort de communication à faire, étant donné qu’on est aussi une SARL sans but lucratif. Et voilà, les gens n’ont pas les informations quand ils vont dans un restaurant, ils ne savent pas forcément ce qu'il y a derrière donc il y a vraiment un effort de communication à faire. Et au début ils se disaient « ah mais, c'est 13.50 » c’était le prix je crois, et ils voyaient plein de monde à midi, ils pensaient qu’on se faisaient des milles et des cents. Et ouais, c’est cet effort de communication qui était et qui est toujours un challenge.
Claire 14:33
Mais est-ce que tu vois quand-même une évolution depuis vous avez commencé par rapport au public ? Est-ce que c'est un peu plus accepté ou comment ça se passe ?
Romain 14:40
Oui. Là, on a changé nos prix cette semaine pour la deuxième fois par rapport à l'inflation qu'on subit. On était obligé étant donné que nos marges sont tellement faibles pour arriver à nos objectifs justement de durabilité, payer bien notre staff, pas trop sous pression, alors on était obligé d’augmenter un tout petit peu de 50 centimes. Et donc, faut voir dans un ou deux mois. Le challenge c’est de ne pas devenir un kebab de Bobo riche, voilà où il y a que certaines personnes qui peuvent se permettre donc on veut vraiment rester accessible et essayer de convenir à toutes les bourses.
Claire 15:15
Et pour toi Yohann, est-ce qu'il y a un autre défi ?
Yohann 15:17
Bon, on a eu plein de défis. Là, comme l’a un peu dit Romain, c'est lié à la viabilité. Nous on a un modèle qui est un petit peu différent, on ne vise pas la profitabilité, donc le but, ce n’est pas de se faire de l'argent, des dividendes ou du bénéfice, mais c'est de pouvoir payer toutes nos charges et de pouvoir aussi réinvestir une partie pour que justement notre entreprise soit le plus pérenne possible dans le temps. Et là on a encore justement ce défi à cause de l'inflation. On a eu aussi le COVID. Et puis on a eu aussi pas mal de, mais je pense que ça c'est dans tout projet entrepreneurial, on a eu pas mal de surprise typiquement du matériel qui casse ou des choses qui surviennent soudainement et qui ne nous permettent pas encore d'être totalement viable. En fait, on lutte encore pour atteindre le breakeven vraiment le point de viabilité. Donc là on est on est proche et on s'en rapproche de plus en plus, mais on n'est pas encore très serein on va dire.
Claire 16:21
Et ça fait exactement 2 ans que vous avez ouvert c'est ça ?
Yohann 16:24
Exactement.
Claire 16:25
Parlez-moi un peu de vos équipes. Qui constitue l'équipe de Gemüse Kebab ? Tu as mentionné tout à l’heure Yohan l’insertion professionnelle, est-ce que tu peux parler un peu de vous activités à ce niveau-là ?
Yohann 16:37
Ouais, alors au niveau de l'équipe, on est une équipe très variée, très diverse, pardon. On a quasiment autant de femmes que d'hommes ce qui est rare dans les kebabs en général. Donc on essaie vraiment de garder cet équilibre. Et puis au niveau de l'insertion professionnelle, en fait on avait pour idée de lancer un programme d'insertion professionnelle d’être un tremplin pour des personnes qui sont issues de la migration mais qui ont obtenu l'asile en Suisse, qui ont des permis F ou qui ont des permis en fait où généralement c'est difficile pour eux de retrouver du travail parce que les entreprises ont peur connaissent peu en fait. Et donc nous l'idée c'était de lancer ce programme d'insertion professionnelle. On a commencé avec Atiq qu'on a rencontré qui travaille avec nous depuis plus d'un an, avec qui ça se passe très bien, qui est un jeune Afghan 23 ans qui est venu en Suisse à l'âge de 16 ans, qui a toujours travaillé dans sa vie, qui a un parcours admirable et qui va prendre encore plus de responsabilités dans un futur proche. On a aussi toute une équipe qui nous suivent depuis le début donc on est maintenant je pense 10 employés à travailler actuellement.
Claire 17:55
Par rapport au partenariats, donc tout à l'heure vous avez mentionné que quasiment tout vient de Genève et du canton de Vaud, qui sont vos partenaires ? Des fermes directement, des producteurs ou bien même des distributeurs ? Juste pour qu'on ait un peu une idée.
Romain 18:09
Alors c'est un mix mais en termes de volume, c’est l’union maraîchère genevois qui nous fournit je pense bien, ouais, 80 % de nos légumes. Sinon on travaille aussi, à plus petit volume avec la ferme du fond de l'étang qui est une ferme permacole à Saconnex d’Arve où on a pour projet de faire pousser nos aromatiques. L’utopie un peu Gemüse c’est d'avoir au final notre ferme.
Claire 18:36
C’est de tout faire de A à Z, votre propre farine les légumes, élever les poules.
Romain 18:40
Exactement, ouais tout. Une partie de nos légumes, ce serait super. Donc voilà, on va commencer par les aromatiques parce que c'est le plus simple, le plus réaliste on va dire. Et donc ensuite on travaille avec les laiteries réunies genevoises aussi pour tout ce qui produits laitiers, la volaille import à Perly pour tout ce qui a de la viande. Sinon les imprimeries les petits trucs aussi locaux à Plainpalais pour les petites choses.
Yohann 19:06
Au niveau des boissons aussi, on essaie de se concentrer sur des boissons de Genève. Donc on a des bières de microbrasseries genevoises, on a de l'hydromel de Meynier je crois, enfin de Genève. Et puis sinon, on a des boissons aussi qui ont été créées par des entrepreneurs locaux, Genève, ou après on a aussi quelques boissons plus Suisses.
Claire 19:29
Donc on le disait ça fait 2 ans que vous êtes en activité et tout à l'heure Romain tu parlais de l'impact, d'avoir un impact neutre voire un impact négatif minimum. Par rapport à vos activités, est-ce que vous pouvez mesurer déjà l'impact de ce que vous faites quel que soit le domaine ? Vous envisagez déjà ça ou bien vous l'avez déjà commencé ? Et comment vous mesurez votre impact, en fait ?
Romain 19:54
Ça c’est la très bonne question parce qu'on sait qu'on fait des choses bonnes pratiques, de bon sens, on diminue notre impact mais mesurer vraiment c'est la grosse question aussi actuelle dans tout ce que ce qu'on entend. Parce que comment dire ? Ce sont les personnes actives qui en parlent, mais on n'a pas au niveau macro un organisme qui évalue, en fait qui prend les mêmes critères sur tous les restaurants ou d'autres secteurs qui dit « ça c'est durable, ça ce n’est pas durable » et ça c'est je pense dans le futur on va s'approcher d'avoir des structures. Nous, on s'est approché de… pour parler d’une application.
Yohann 20:41
En fait, c'est l'entreprise s'appelle mon entreprise durable. Et ils font une plate-forme digitale gamifiée. En fait, c'est basé sur l’ISO 26000, en gros c'est toutes les bonnes pratiques pour tout ce qui est RSE. Donc on a un parcours à suivre, ça prend de manière holistique vraiment tous les points de RSE. On a des tâches pour mesurer l'impact qu'on a, voir comment on peut améliorer, ou peut-être qu’on est très bien mais s'il y a des moyens d'amélioration ils vont nous dire comment. Et ils nous donnent aussi les outils pour mettre en place et puis aussi comment communiquer. Comme disait Romain, c'est un peu le nerf de la guerre comment communiquer pour que le message passe bien et qu'on soit au plus proche de de ce qu'on fait réellement.
Claire 21:26
À part ça, est-ce qu’il y a comme on dirait en anglais des success stories ? Qu'est-ce que vous aimerez mettre en lumière dans ces deux dernières années, peut-être même encore avant quand vous parliez du concept, qui pour vous représente vraiment la réussite de ce que vous avez entrepris jusqu'à maintenant ?
Yohann 21:43
Une success-story qu'on a actuellement c'est justement ce programme d'insertion professionnelle. Donc Atiq qui a commencé avec nous il y a un an et demi maintenant qui va prendre plus de responsabilités, qui est vraiment une personne extraordinaire et on qu'on a pu en fait lui donner cette opportunité-là, et qu'on va pouvoir encore créer plus ensemble. Ça c'est je pense une des success-story qu'on a eues. Mais après je pense la success-story aussi, c'est d'avoir quand même pu depuis 2 ans employer des collaborateurs et de pouvoir les payer. Parce qu'on dit qu’on n’est pas viable, mais on paye quand même des salaires plus élevés que la convention collective. Donc ça je pense que c'est un peu une success-story, on n'est pas viable mais on donne quand-même de l'emploi.
Romain 22:32
J’allais parler d'Atiq, mais il y a aussi cette idée qu'on a eu au début du projet : les kebabs suspendus. En fait, on offre la possibilité aux clients d'acheter un sandwich à prix réduit pour quelqu'un dans le besoin et en fait on l’a eue en plein COVID et ça a eu un énorme succès. Ce sont simplement les clients en fait, qui ont acheté plein de sandwichs à offrir à des personnes dans le besoin. Là, il y en a un peu moins de 700, donc presque un par jour depuis qu'on a ouvert.
Claire 23:04
Est-ce que tu veux expliquer comment ça fonctionne exactement ? Parce que j'ai déjà entendu parler du principe, c'est le même principe que le café suspendu, c’est ça ?
Romain 23:08
Exactement, ouais c'est ça. Ça vient du café suspendu. Et en fait, là on l'a carrément mis sur le menu. Donc on a 3 sandwichs au menu : le végan, végétarien et le poulet, et ensuite on a le quatrième qui le suspendu qui est à 10 francs au lieu de 14.50 pour le poulet et 11.50 pour le végé. Et ensuite on fait un poulet ou végé en fonction du souhait de la personne. Et donc, un client vient, achète un kebab végétarien pour lui et un autre suspendu pour quelqu'un dans le besoin. Ensuite, on a un tableau où on va simplement mettre la disponibilité s'il en a acheté un en plus, on met un en plus en disponibilité. Ce tableau est visible par notre vitrine dans la rue. Et ensuite on a donné des flyers à des associations qui donnent à manger à leurs bénéficiaires, en fait.
Claire 23:56
Ah c'est chouette ça. Bonne initiative, bravo ! En parlant d’initiatives et en regardant un peu plus dans le futur, est-ce que vous avez des projets en cours qui n’ont pas encore commencé au des nouvelles initiatives dont vous pouvez parler ?
Yohann 24:09
Alors on a un projet en cours qui est d'ouvrir le troisième point de vente. Donc on est en train de chercher actuellement un emplacement, idéalement aux Eaux-Vives peut-être aussi à Lausanne, donc ça c’est le gros projet. Et sinon, on a plein de petits projets. On va faire comme on le disait avant, on aimerait bien tendre à totalement être végan et végétarien, et puis on a cette collaboration avec Planted, et du coup eux ils veulent nous aider dans cette transition. Donc ça c'est un petit projet qu'on a aussi.
Romain 24:48
Et surtout avec la buvette en fait, l’appel à projet de la Ville de Genève à la rue du Mont Blanc, on doit revoir un peu le modèle et puis la carte simplement pour l'été prochain. On aimerait faire pousser certaines aromatiques directement en pleine ville à la rue du Mont-Blanc. On aimerait installer des panneaux solaires aussi pour être autosuffisant, ça va être compliqué mais c'est l’objectif à nouveau en fonction de la viabilité qu'on arrive à obtenir et on aimerait aussi passer en vital vert. Mais ça va peut-être être poussé à cause de l'inflation actuelle. Le vital vert en fait, c'est une source d'énergie en fait un abonnement SIG pour l'électricité qu’on consomme qui est produite 100 % par des énergies renouvelables, mais ça coûte un peu plus cher. Il est certifié 100 % vert, c’est pour ça qu’il s'appelle vital vert, et coûte un peu plus cher. Nous, ça fait longtemps qu'on aimerait passer au vital vert mais on est toujours dans step by step comme on disait avant.
Yohann 25:52
On aimerait bien aussi planter des pleurotes avec les déchets du café, parce qu'en fait du café du coup dans cette buvette, et en fait on a remarqué qu'il y a beaucoup plus de déchets que ce qu'on imaginait en faisant du café. Donc il y a une grande partie qu'on doit jeter et en fait on n'en fait rien, et donc l'idée c'est de la récupérer pour en faire du fertilisant et on pourrait planter du coup des pleurotes et qu'on pourrait réutiliser ensuite dans nos recettes ou revendre, ou donner à d’autres restaurants.
Claire 26:21
Qu'est-ce que vous retenez en fait jusqu'à maintenant ? Bon, ça ne fait pas longtemps mais quoi 2-3 ans de votre parcours entrepreneurial, qu'est-ce qui vous motive encore au qu'est-ce que pourriez conseiller à des gens qui veulent prendre la même voie que vous, quel que soit le secteur d'ailleurs ?
Yohann 26:36
En fait, les conseils ont varié. Les conseils que je donne et que j'ai donné ont varié tout au long de mon expérience. Maintenant ce que je dirais c'est la patience parce que souvent on pense que tout va plus vite que la réalité. Donc là maintenant, ça fait 3 ans qu'on est entrepreneur et puis en fait des fois il y a des retours en arrière, il y a des hauts et des bas, et je pense qu’il faut être patient et confiant et puis persistant.
Claire 27:08
Patient. Confiant. Persistant. Et toi Romain ?
Romain 27:11
Ce que je retiens vraiment, c'est qu’on s'était fixé plein d’objectifs au début. On est arrivé avec nos idées, notre utopie et on a dû un peu lâcher prise et se dire que c'était OK si on n'arrivait pas à atteindre ces objectifs au deadlines qu'on s'était fixés. Et qu'en fait ce que je retiens, ce qui me nourrit énormément c'est, plus que d’atteindre l'objectif, c'est le chemin pour y arriver avec tout ce qu'on a appris en termes de soft skills aussi à travers ce projet. Le fait d'avoir une équipe, le fait de gérer aussi les soucis machine restauration humainement par rapport au contact fournisseur, par rapport à, ouais à nouveau la team comment les motiver. Tout ça, ce sont des choses que je vais garder toute ma vie et c'est vraiment ce qui me nourrit dans ce projet-là plutôt que le l'aboutissement.
Yohann 28:05
Et sinon aussi un autre conseil qu'on donnait beaucoup plus au début, c'est de commencer de manière lean.
Claire 28:12
C’est-à-dire ?
Yohann 28:14
Donc c'est de ne pas prendre trop de risques, ou en tout cas pas de trop grands risques, au début pour tester le produit. Et nous on a commencé par, pour donner un exemple, par faire des livraisons et faire des événements. Il n’y avait pas d'investissement de départ ou très peu. Ça nous a permis déjà de créer une clientèle, une communauté et de recevoir des feedbacks très tôt avant de se lancer dans des investissements qui sont assez considérables, par exemple pour trouver une arcade ce sont assez vite des centaines de milliers de francs. Donc ça je pense que c’est un bon conseil, parce qu’il y a pas mal de gens qui se lancent dans des projets qui ne fonctionnent pas forcément et qui du coup prennent du temps à se lancer et ensuite échouent, donc pour éviter ça.
Claire 28:59
Pour revenir un peu à la durabilité, comment est-ce que vous voyez ce domaine évoluer à l'avenir ? Disons dans les trois à cinq prochaines années, quels changements vous voyez pourront se produire assez rapidement ? On parlait tout à l'heure de transitionner complètement ou végan et végétarien, donc ça je pense que ça sera l'expérience aussi des clients et les changement de mentalité, mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous voyez ? Comment vous voyez évoluer tout ce domaine de durabilité alimentaire ? Romain ?
Romain 29:29
Moi, je vois justement plus de support, comment dire, étatique ou plus de cadre justement par rapport à ce qu'on disait tout à l'heure, d’évaluer, d’offrir des outils pour savoir où on en est qu’est-ce qu'on peut faire, plus d'échange d'informations aussi sur comment le faire de manière durable. Et j'ose espérer, en tout cas nous c’est un de combat qu’on aimerait mener aussi, que dans trois ou quatre en aura peut-être un guide « comment ouvrir son restaurant durable ».
Claire 30:02
C’est une bonne idée ça, un guide.
Romain 30:04
Ouais, c’est un de nos projets en plus du coup.
Claire 30:09
Et toi Yohann ?
Yohann 30:11
Je pense qu’on aura plus de clarté, parce que là c'est tout nouveau dans beaucoup d’industries et du coup on ne sait pas trop si on va dans la bonne direction ou pas. Donc nous on est un peu on va dire des prototypes, des bêta test, on verra si ça fonctionne. Et j'espère qu'on va pouvoir aussi donner notre expérience pour que d'autres personnes puissent lancer leurs projets avec plus de clarté. Et sinon je pense que globalement on va revenir sur une économie beaucoup plus locale et moins de globalisation, que ce soit au niveau de l'énergie que ça soit le niveau de l'alimentation également, et je pense que c’est la direction dans laquelle on se dirige actuellement.
Claire 30:59
Dernière question plutôt pour les auditeurs: qu'est-ce que vous conseilleriez ? S’il y a une seule chose que vous devriez conseiller à ceux qui écoutent pour qu'il puisse contribuer justement à la durabilité, que ce soit alimentaire ou autre, qu'est-ce que vous leur conseillez de faire ? Quelle est la première chose ou la chose la plus importante, à votre avis ?
Romain 31:14
Moi, j’ai récemment assisté à une conférence de Suisse Veg par rapport à l'alimentation végétarienne. Du coup, j'ai pu aussi prendre conscience, j’ai obtenu des informations par rapport à l'impact que peut avoir une alimentation végétarienne opposée à celle de carnivore, et encore dans le carnivore il y a certains poissons certaines viandes rouges qui sont beaucoup plus consommatrices d'énergie que d'autres. Et donc je conseillerais ça parce que selon moi aujourd'hui c'est assez facile, tout en gardant le plaisir de bien manger tout, d'avoir une alimentation végétarienne.
Yohann 31:51
Ou en tout cas flexivore et réduire au maximum la viande, le poisson.
Claire 32:57
Donc réduire la consommation, pour toi romain le conseil ce serait de réduire la consommation de sources de protéines animales au maximum, voire complètement éliminer ?
Romain 32:05
Ouais voilà tout ce qui est issu de l'élevage industriel, en fait.
Claire 32:09
Et toi Yohann, quel est ton conseil ?
Yohann 32:13
J'aime bien le conseil de de Romain, mais si je dois donner un autre, c’est lié à la mobilité. Donc favoriser la mobilité douce, notamment le vélo et le train. Parce qu'en fait ça a un impact sur la pollution, mais la pollution à plusieurs niveaux que ce soit émission de CO2, la pollution sonore. Et je pense que ça c'est important pour la qualité de vie de nos villes actuellement. Et aussi de favoriser le train quand c'est possible à la voiture ou à l'avion, et je pense que les trains vont commencer à se développer de plus en plus pour qu'on puisse voyager plus facilement aussi en train.
Claire 32:54
Merci beaucoup, et à bientôt.
Romain, Yohann 32:56
À bientôt.
Claire 33:03
Voilà, vous avez tout appris sur les coulisses du premier kebab durable Genevois directement de ses fondateurs romain Oeggerli et Yoann Pellaux. Si vous désirez toutefois en savoir encore plus sur Alles Gut ! Gemüse Kebab, rendez-vous sur leur site gemusekebab.ch le lien se trouve dans la description de cet épisode. Prenez également le temps d'écouter notre mini-série de 4 épisodes qui explore les systèmes alimentaires durables dans les épisodes 47 à 50 pour tout savoir sur d’autres individus remarquables tels que Romain et Yohann qui s'engagent à différents niveaux pour une alimentation durable. Merci beaucoup de nous avoir écouté aujourd'hui. En attendant le prochain épisode, prenez bien soin de vous.
Take care, stay well, and stay inspired.